nourriture et différence culturelle
Dimmi cosa mangi e ti dirò chi sei
La relation que nous avons avec la nourriture exprime aussi la différence entre cultures. On ne mange pas de la même façon en Inde et aux USA. Les moments des repas, la composition du plat principal, la manière de manger, de se mettre à table changent de pays en pays. Aux USA p. ex il y a plutôt une culture du fast-food, du surgelé, dans d'autre pays, p. ex en Italie le moment du repas est très important. L'Italien aime manger et se prendre du temps pour le faire, et le faire en famille est encore mieux. Dans certains pays on mange tôt le soir, dans d'autres on ne s'assied pas avant 20h Dans certaines cultures on mange parterre, dans d'autres tout le monde est réuni autour d'une table bien préparée Dans certaines cultures on mange avec les mains, dans d'autres de la même assiette V. Châtel dit que «la notion du bon et du mauvais est aussi étroitement liée à la culture. L'enfant apprend déjà dès son premier âge le goût du salé et du sucré et ceci se fait dans un contexte social bien défini, en raison de la dépendance du nouveau-né à l'entourage».4 Déjà dans le ventre, le bébé fait connaissance avec les goûts. Je me rappelle qu'à la maternité, la sage-femme m'avait dit que si, pendant la grossesse, j'avais mangé de l'ail, des épices, des aliments avec un goût prononcé, je ne devais pas les supprimer pendant l'allaitement car l'enfant était déjà habitué. M. Chiva dit que «l'apprentissage de ce qui est aliment signe en quelque sorte l'entrée dans une communauté où le marqueur alimentaire est essentiel. En même temps qu'on apprend une norme de saveur on apprend un répertoire alimentaire, la définition même de ce qu'est un aliment dans un contexte social et culturel donné».5 Les goûts alimentaires acquis au sein d'une famille constituent peu à peu le bagage culinaire qui nous insère également dans une catégorie sociale. Il s'agira de préférer les crudités à la charcuterie ou le pain aux noix à la baguette. Les goûts et la composition des menus sont des éléments de base du code des repas, spécifiques à la catégorie sociale tout comme le langage ou le vêtement. Il y a des familles, par exemple, qui fêtent autour d'un plat de spaghetti, d'autres avec du rôti ou du saumon. Des familles qui ne mangent pas de porc en raison de leur appartenance religieuse, d'autres qui mangent très épicé, des cultures où l'on mange les reptiles, d'autre où cela est considéré mauvais. Il n'y a pas de nouvelle cuisine, repas ethnique, ou fast food capable d'effacer l'«imprinting» de la nourriture de chez soi
nourriture et loyauté
«La loyauté repose sur les mérites acquis. Ainsi, je suis loyal envers ma famille d'origine parce que j'ai beaucoup reçu d'eux. La loyauté est beaucoup plus que le simple attachement à une personne Dans la mesure où la mère a nourri l'enfant en son sein puis lui a donné naissance, celui-ci est placé devant une dette existentielle envers sa mère Tout au long de sa vie l'être humain reste relié à ses origines. Quels que soient les événements survenus depuis sa naissance la loyauté de l'enfant pour ses parents demeure présente».6 Boszormenyi-Nagy montre que la loyauté familiale s'encre dans la consanguinité ou la parenté. Ayant reçu la vie, l'enfant éprouve un devoir éthique envers ses parents dont il veut s'acquitter. Nagy dit que la loyauté concerne également le patrimoine des générations antérieures. La cuisine fait partie de ce patrimoine. Ma mère, ma grand-mère m'ont fait cadeau de recettes traditionnelles de leur pays et j'essaye de m'acquitter en faisant en sorte que ce patrimoine ne soit pas perdu. C'est une des raison qui me pousse à apprendre la préparation de plats qui sont liés à l'histoire de ma famille. Il m'arrive d'être en colère ou plutôt triste quand je demande à ma mère de me préparer une recette que ma grande mère faisait et que je découvre qu'en fait ma mère n'en est pas capable. Je pense en particulier à une recette que ma grand-mère faisait pour moi quand j'allais lui rendre visite. Ce plat a pour moi une valeur affective, encore plus aujourd'hui, car ma grand-mère n'est plus là. Souvent elle me disait : Caterina, tu sais ce que je vais te préparer ? Devine ! Pour ma grand-mère, éduquée à ne pas montrer les sentiments, préparer des Frittelle, c'était une façon de me dire qu'elle m'aimait beaucoup. Réaliser que je ne pourrais plus manger des Frittelle, c'est aussi rçaliser qu'un peu d'histoire et de patrimoine culinaire a été perdu, et que je ne pourrais pas le faire connaître, sauf par le récit, à mes enfants. Nagy définit la loyauté comme «une configuration relationnelle impliquant au moins trois protagonistes, celui qui doit faire un choix, celui qui est préféré et celui qui ne l'est pas»7 Le migrant doit à un certain moment faire un choix, entre sa culture d'origine et sa culture d'accueil. Il peut choisir de cuisiner des ršsti, des papets vaudois, mais il aura peut-être le sentiment d'être déloyal à sa culture. Il décidera alors de cuisiner uniquement des plats traditionnels, mais aura peut-être le sentiment de trahir le pays d'accueil, de ne pas être intégré. Il pourra décider de mélanger des recettes ou de laisser la place aux deux traditions culinaires. Dans les études d'acculturation des immigrés, les habitudes alimentaires du pays d'origine apparaissent comme les plus résistantes au changement, signe de leur enracinement dans les couches profondes de l'identité sociale de l'individu. Je connais des personnes dans ma famille qui ne peuvent pas imaginer de manger autre chose que des pâtes. ça pourrait paraître exagéré, mais ce ne l'est pas. Je crois qu'ils ont besoin d'être loyaux à leur culture au moins avec la nourriture. Ils ne le sont peut-être pas pour d'autres aspects (éducation des enfants, valeurs familiaux, croyances, ), mais ont besoin de garder certaines habitudes culinaires qui leur rappellent leur pays. Il y a des attaches qui persistent. C'est pour cette raison que c'est difficile de leur proposer une assiette de riz au curry.