Haydé
Je rencontre Haydé dans un bistrot lausannois. Je l'ai choisie parce que j'ai des magnifiques souvenirs de ses repas épicés. Je lui explique très brièvement ce que je fais et lui dis que je vais lui poser des questions sur la cuisine Haydé est d'origine Iranienne, mais est née en Allemagne. Son père est diplomate et elle a toujours voyagé.
C : Haydé, tu es d'origine iranienne. A quel âge as-tu quitté ton pays ?
H : Je n'ai jamais quitté mon pays, parce que je n'ai jamais vécu dans mon pays, je suis toujours à la recherche de mon pays. Je suis arrivée en Suisse, j'avais 19 ans. J'ai loué un studio, avec cuisine et je ne savais pas cuisiner, il fallait que j'apprenne, je ne savais pas faire la cuisine Iranienne. J'ai appris ici, avec des Iraniens. Je cuisine mieux que ma mère en Iran.
Donc ce n'est pas ta mère qui t'a appris les recettes de ton pays ?
Non, non, elle ne comprend pas comment j'ai appris. Maintenant je mélange un peu la cuisine de chez moi, avec la cuisine d'ici. J'essaye de faire des trucs nouveaux, avec des ingrédients Iraniens.
Quand tu es arrivée à Lausanne, comment as-tu fait pour rencontrer des gens Iraniens ?
A l'époque il y avait énormément d'Iraniens à Lausanne. Je suis tout de suite tombée dedans, je suis sortie un soir, dans une boîte et je suis tombée sur un groupe d'Iraniens, et en plus là où j'habitais, dans le bâtiment, il y avait trois appartements avec des Iraniens, des étudiants. On faisait des fêtes avec la cuisine Iranienne.
Avais-tu envie d'apprendre la cuisine de ton pays ?
Quand je vivais avec mes parents, et même qu'on vivait à l'étranger, on mangeait Iranien dans les ambassades. Il y avait des cuisiniers, c'était toujours des cuisiniers Iraniens. Moi j'étais toujours dans la cuisine, en train de fouiller, de voir Je n'ai jamais eu le besoin de faire. Le besoin est venu quand je suis arrivée ici et que j'étais tout d'un coup sans mes parents.
Qu'est-ce que ça voulait dire pour toi cuisiner Iranien ?
Identité, c'était vraiment mon identité. J'étais fière parce que je crois que les gens d'ici aiment beaucoup cette cuisine d'ailleurs. La cuisine iranienne est une cuisine tellement spéciale, différente, tu ne peux pas la comparer avec la cuisine libanaise, ou je ne sais pas quoi.
Comment as-tu fait pour trouver les ingrédients ?
Je crois que mes parents m'envoyaient les ingrédients de base, ceux qui sont nécessaires. Maintenant je vais régulièrement en Iran, chaque année je ramène tout ce dont j'ai besoin.
la chance de pouvoir voyager et ceux qui ne peuvent pas ?
Ici il n'y a pas de traiteurs ?
Il y avait une époque à Genève, maintenant il n'y a plus. J'allais à Londres, il y a des magasins Iraniens, à Paris aussi. Moi j'ai le congélateur plein de trucs spéciaux Iranien, tu ouvres les armoires, c'est l'épicerie, ça sent
les odeurs de ton pays
Qu'est-ce que tu prends quand tu vas en Iran ?
Les épices, les citrons séchés, une espèce de crème qui est faite avec du vieux yogourt séché que tu dois tremper dans l'eau. Il y a beaucoup de choses déshydratés, ils font tout sécher, après tu mets dans l'eau et ça regonfle. L'ail spécial qu'on utilise dans les yogourt, des raisins, etc.
Tout cela tu ne trouve pas ici ?
Oui, maintenant tu trouves. Il y a un Iranien qui importe que ça, mais les gens ne savent pas les utiliser, il faut connaître. Les recettes, je les ai apprises ici, mais maintenant quand je rentre en Iran une fois par année, je vais chez des voisins, des gens que je connais, et puis j'exige les recettes, les vraies.
Parce que tu penses que celles d'ici ne sont pas vraies ?
Elles sont vraies, mais chacun à sa manière de faire, mais là-bas je connais des gens qui font tellement bien la cuisine, que je vais, je veux savoir, et puis chacun à son truc.
Y a-t-il une recette à laquelle t'es liée, qui te fais rappeler ton pays ?
Oui, une soupe Iranienne avec la viande, c'est comme un Minestrone, mais c'est vraiment Iranien, citronné, il y a toutes sortes de haricots, blanc, rouge, pois chiches, pommes de terre. C'est fait avec un os à moelle, un morceau de viande, ça cuit pendant 12 heures. Après tu prends tout ce qui est solide tu écrases avec un truc spécial, ça fait un pâté, tu manges ta soupe, c'est comme une espèce de pot au feu et après tu manges le pâtée avec le pain et les pickles (aubergines au vinaigre, etc), mais c'est bon
Pourquoi tu es spécialement liée à cette recette ?
C'est un souvenir de l'Iran. Quand j'allais en vacances là-bas, j'allais avec mes parents à la montagne, et dans ces auberges perdues au milieu de la montagne, ils faisaient cette soupe. On était assis dehors dans le brouillard, tout en haut d'une montagne sauvage, on entendait les moutons les cloches, on était assis sur un lit les jambes croisées et l'on t'apportait cette soupe. ça me rappelle vraiment l'Iran, souvenir de mes parents dans des paysages sauvages.
cuisine et souvenirs : mélancolie